La Nuit, dans un Sombre Couloir...

Il faisait nuit depuis plusieurs heures déjà mais, à Poudlard, tout le monde ne dormait pourtant pas. Elhenna de Hurveales, sombre silhouette à la fois étrange et affolante arpentait encore les couloirs, à un moment pourtant si tardif.

Un mal de tête, lancinant, oppressant. Elle ne parvenait pas à dormir, elle n’y parviendrait pas, c’était certain. Soupirant très légèrement, la frêle petite poupée au visage si terrible mais à la fois si terriblement exquis se déplaçait lentement, gracieusement. Ses longues mèches d’ébène virevoltaient à chacun de ses mouvements tandis que le léger tintement lié à chacun de ses pas résonnaient de manière régulière, presque lancinante.

Soudainement, Elhenna stoppa sa marche presque totalement silencieuse. Quelqu’un se trouvait derrière elle, elle en avait la certitude.

[Ouvert à tous ! ^^]

Elhenna s’était retournée, ses longues mèches d’ébène suivant le mouvement, tandis que son regard s’était durci. Elle observa rapidement la jeune fille qui lui faisait face puis décida que la situation ne méritait pas une attitude si défensive et son corps se détendit alors légèrement, sans rien perdre pourtant de cette prestance propre à ceux de son sang.

Elle écouta les excuses de la jeune fille, ne saisit pas très bien ses dernières paroles mais, comme visiblement l’élève de Serdaigle qui se tenait à présent en face d’elle n’avait pas l’air de vouloir se battre – comme ça paraissait être le cas chez de nombreuses filles, de Serpentard tout du moins – Elhenna tenta de mettre son mal de tête de coté pour se montrer un tantinet polie, en s’adressant à Julia de sa voix froide et posée :

« Ce n’est rien… Les couloirs sont à tout le monde après tout, je suppose... »

La jeune fille marqua une brève interruption puis, plongeant son regard dans celui de la jeune Serdaigle, elle ajouta, dans un souffle :

« Je m’appelle Elhenna de Hurveales, et toi ? »

Elhenna hocha légèrement la tête tandis que ses traits se détendaient légèrement et qu’elle serrait la main de Julia. Le contact, même s’il ne possédait pas grand-chose de chaleureux avait tout au moins la caractéristique de ne pas être hostile. La jeune de Hurveales le savait : elle devait faire des efforts. S’adapter à ce nouvel environnement. Ici, être seul s’avèrerait sans doute plus ennuyeux qu’être entouré. Finie l’hégémonie à laquelle elle avait eu le droit pendant toutes ces années… Pour un certain temps, en tous cas. Ca changerait vite.

La jeune Serpentard observa à nouveau Julia avec attention. Un peu plus grande qu’elle, l’écusson de Serdaigle épinglé sur sa robe. Une Seconde Année sans doute. Si Elhenna paraissait pour sa part disposer d’une maturité excessive, sa taille moyenne pour son âge l’empêchait de paraître beaucoup plus âgée que ce qu’elle était en réalité.

Elle soupira légèrement, son mal de crâne refaisant surface plus fortement, tandis qu’elle se forçait à demander à Julia, pour « engager la conversation » :

« Tu n’arrives peut-être pas à dormir, c’est pour cela que tu es ici ? »

« J’imagine, en effet » répondit Elhenna à Julia lorsque cette dernière lui donna la raison de sa présence dans les couloirs à une heure si tardive.

Un court silence s’installa alors mais il fut bientôt rompu par de légers bruits de pas. Quelqu’un venait.

Les yeux sombres de la juvénile héritière des de Hurveales se pointèrent vers l’endroit d’où émergea bientôt une jeune femme qui s’adressa alors à Elhenna et à Julia.

La petite poupée se redressa légèrement, presque de manière imperceptible. D’un physique agréable, grande, la personne qui leur faisait face n’était très certainement pas une élève.

Mais qu’importait après tout ! Ca n’était pas pour une petite promenade nocturne qu’Elhenna allait s’inquiéter. Non, c’était bien connu, les de Hurveales ne craignaient rien, absolument rien et surtout pas qu’on leur reproche quoi que ce soit… Ils y étaient habitués depuis plusieurs siècles après tout.

Cependant, les intentions de la jeune femme ne paraissaient pas hostiles mais la jeune Serpentard laissa à Julia le soin de s’exprimer la première.

Elhenna n’avait absolument pas bougé pendant tout le temps qu’avaient pu durer les quelques phrases que Julia et l’infirmière s’étaient échangées. Pas même lorsque cette dernière avait allumé les chandeliers dans le couloir. Rester stoïque était bien l’une des règles principales des de Hurveales de toute façon.

La délicate poupée avait ensuite écouté la manière dont Julia avait présenté les choses. C’était tout à fait exact bien sûr… Ou presque. Mais Elhenna était assez reconnaissante à l’élève de Serdaigle d’avoir interprété sa présence dans les couloirs de la sorte.

Puis, l’infirmière avait à nouveau repris la parole en insistant, même si ça avait été prononcé de manière discrète et insidieuse, sur le fait que la personne avec laquelle se trouvait Julia était une Serpentard.

Les yeux sombres d’Elhenna le devinrent – si c’était possible – plus encore, son visage se ferma.

Oui elle était à Serpentard, et alors ?! Qu’est-ce que ça pouvait faire ?! Est-ce qu’elle imaginait, au moins, cette infirmière de pacotille (pardon ^^) pourquoi elle s’y trouvait ?! Est-ce qu’elle se doutait seulement de ce que le Choixpeau avait pu lui dire ?! Est-ce qu’elle savait qui elle était pour oser lui parler de la sorte, insinuer de pareilles idioties ?!

Se calmer. Ca n’en valait pas la peine. Ou était passé ce côté tellement stoïque et froid que la jeune fille possédait ? Respirer doucement. Ne plus y penser. Oublier. Ca n’était que futilités. Elle savait ce qu’elle valait et puisque l’on s’acharnait tant à penser du mal des Serpentard, elle allait leur montrer, à tous ces crétins si étroits d’esprit. Oui, elle allait leur montrer à quel point une petite poupée capricieuse, héritière de l’une des plus influentes familles de Sorciers pouvait se révéler dangereuse.

Ce furent très certainement ces pensées qui permirent à Elhenna d’observer l’infirmière s’éloigner sans lui lancer de remarque sarcastique, comme elle ne s’en serait très certainement pas privée si c’était au Manoir que cet incident avait eu lieu.

La jeune fille se tourna ensuite vers Julia et ses lèvres s’étirèrent alors en un léger et pale sourire mais un sourire tout de même…

Julia semblait soudainement comme… Transportée. Elhenna l’observait toujours avec un certain intérêt, se demandant ce qui pouvait être la cause d’une telle attitude mais la petite Serdaigle lui apporta bien vite la réponse en lui demandant si elle aimait cet endroit.

Si elle l’aimait ? Certes, Poudlard était un lieu exceptionnel et magique en tous points mais l’héritière des de Hurveales avait du mal à se dire que maintenant, c’était chez elle. Pour un certain temps tout du moins. Non, son chez-elle, c’était le Manoir de sa famille et ce, pour toujours, assurément. Si elle se trouvait dans cette école, si importante et à l’histoire si imposante, c’était uniquement parce qu’elle devait y faire ses études. Il n’y avait pas d’autres raisons. Même les élèves auxquels elle tentait pourtant de s’intéresser lui semblaient - pour une grande majorité d’entre eux tout du moins – ternes, sans aucun intérêt. Elle était égoïste ? Sans doute. Mais après tout, elle s’en moquait éperdument. Et si ses parents se trompaient ? Peut-être bien qu’on pouvait réussir seul, sans s’attacher à quiconque…

Une lueur étrange se mit à briller dans les prunelles sombres de la jeune Serpentard.

Oui, peut-être qu’ils avaient tort et qu’il y avait d’autres moyens pour parvenir à ses fins… Pourquoi voulait-elle tant essayer de comprendre les autres, de s’attacher à eux ?

Mais qu’imaginait-elle ? Que ses parents s’égaraient ? Etait-elle devenue folle ? C’était tout bonnement impossible ! Son père et sa mère, se tromper ? Comment avait-elle pu y songer, même un instant ? Ils réussissaient, ils étaient heureux… Tout leur souriait. Pourquoi ne serait-elle pas capable d’y parvenir, elle aussi ? Ils le lui avaient bien dit : il fallait s’ouvrir aux autres. Sans relations, on n’arrivait à rien. Mais Elhenna n’y parvenait pas. Tout à Poudlard l’insupportait. Où étaient ses professeurs particuliers, qui savaient parfaitement ce qui serait susceptible de l’intéresser ? Et sa foule de domestiques, toujours prêts à lui rendre de multiples services ? Mais surtout, où étaient ses parents ? Pourquoi ne pouvait-elle pas se permettre de faire des caprices ici ? Pourquoi, immanquablement, elle savait parfaitement que personne ne serait là pour lui dire que ça n’était rien, qu’elle aurait ce qu’elle désirait, qu’elle était la plus belle et la plus intelligente de toutes les jeunes Sorcières ?

Où étaient-ils ?!

C’était follement injuste de devoir supporter tout ça ! Elle voulait partir d’ici ! Que tout s’arrête, retourner au Manoir familial, oublier Poudlard, ses professeurs et ses élèves. Oublier Serpentard aussi.

L’étrange lueur semblait à présent s’éteindre, petit à petit, tandis qu’Elhenna réfléchissait véritablement à la situation, en tentant de mettre de l’ordre dans ses idées.

Non, si elle voulait vraiment réussir, il fallait qu’elle reste ici, elle le savait bien au plus profond d’elle-même. Inutile de jouer à l’enfant capricieux pour le moment, ça ne ferait qu’empirer la situation. Il fallait pourtant qu’elle s’y fasse : en venant à Poudlard, elle avait perdu un bon nombre de ses privilèges. C’était triste mais il fallait qu’elle réussisse à vivre avec… Ou plutôt sans.

« Non, je ne suis là que depuis le début de l’année en fait... Et je crois bien que je déteste cet endroit. » répondit Elhenna avec un sourire tout aussi énigmatique que celui de Julia et sur un ton toujours aussi froid et un brin arrogant.